Le sexe est répandu dans l’arbre de la vie. La reproduction sexuée est très importante pour la survie et la maintenance de toutes les espèces complexes. Néanmoins, la clonalité et d’autres méthodes de reproduction asexuée existent, particulièrement chez les plantes. L’anthocérote Nothoceros aenigmaticus est un exemple d’une plante qui n’a pas de reproduction sexuée. Par ailleurs, les organes males (anthéridies) ne développent pas de spermatozoïdes fonctionnels. Cette plante se trouve dans les Appalaches du Sud (États-Unis), au Mexique et dans les sommets (au-dessus de 3,000 mètres) des montagnes de l’Amérique Tropicale. Aux États-Unis, les plantes mâles et femelles sont séparées d’environ 30 km par des montagnes et des bassins versants. L’espèce pousse sur les roches dans plusieurs bassins des rivières Tennessee et Alabama, et chaque bassin héberge soit des plantes mâles, soit des plantes femelles. Il a eu plusieurs questions évolutives : quelle est l’origine des populations américaines et est-ce que la reproduction sexuée est absente chez l’espèce aux États-Unis ? Il est important de répondre à ces questions pour connaitre la vulnérabilité de l’espèce aux changements environnementaux.
Nous avons utilisé des données génomiques de centaines d’individus de la région des Appalaches du Sud pour découvrir l’origine, confirmer l’isolement génétique et l’absence de reproduction sexuée chez l’anthocérote. En effet, l’espèce a émigré aux États-Unis depuis 60,000 – 80,000 années à partir des ancêtres mexicains. Les analyses génomiques confirment l’isolement des populations américaines, l’absence de contact entre des populations mâles et femelles, sauf entre bassins adjacents. Les résultats sont, tout comme le nom de l’espèce, assez intrigantes. Quelle est la cause de la perte du sexe de l’espèce dans les Appalaches du Sud ? Pourquoi seulement des bassins adjacents partagent de matériel génétique similaire ? Il est presque impossible de répondre à la première question, les circonstances n’étaient sans doute pas favorables à l’espèce à l’origine. En revanche, le mélange des génotypes entre des bassins adjacents a probablement été causé par les glaciations du Pléistocène (il y a 18,000 ans et plus). Les glaciers ont transformé le paysage et l’effondrement de la glace rendit possible l’échange entre bassins voisins. Ce résultat n’est pas unique chez l’anthocérote. Il y a ainsi, des cas similaires chez les poissons des Appalaches du Sud. Il est possible que la même chose se soit produite pour Nothoceros aenigmaticus. L’étude contient des implications pour la conservation : l’espèce n’a pas de reproduction sexuée et se multiplie d’une façon clonale. Par conséquent, l’espèce est vulnérable aux changements de l’environnement, qu’ils soient humains ou naturels.
Alonso-Garcia M, Villarreal JC, McFarland K and Goffinet B (2020). Population Genomics and Phylogeography of a Clonal Bryophyte with Spatially Separated Sexes and Extreme Sex Ratios. Front. Plant Sci. 11: 495. doi: 10.3389/fpls.2020.00495.